Un auditorium à 200 Millions € : à quoi bon ?

La Ville de Paris annonce fièrement sa participation dans la Philharmonie de Paris : l’auditorium
demandé à corps et à cris par Pierre Boulez depuis 30 ans sera enfin offert au public en 2012.
Génial ? Est ce que le public y trouvera quelque chose de nouveau et est ce que les acteurs
parisiens de la production de concerts classiques sont contents ?

90 000 000 € seront injectés dans ce bel équipement alors que les projets de lieux culturels
de la mandature actuelle donnent l’impression de flotter comme des bouchons sur l’eau.

Premier exemple : la Gaïté Lyrique (lieu dévolu aux musiques actuelles et à l’art numérique)
peine à voir le jour, la Délégation de Service Public n’a toujours pas été attribuée. Cela
devrait avoir été le en juillet 2005… Il est vrai que les travaux rencontrent de multiples
difficultés et le coût de fonctionnement d’une structure atypique comme la Gaïté risque
de ne pas être indolore dans le budget de la Direction des Affaires Culturelles de la Ville.
Celui ci ne doit pas augmenter à la mesure des investissements, suite à engagement fort
honorable du Maire de ne pas augmenter la pression fiscale des contribuables parisiens.

Les contraintes d’exploitation sont nombreuses :
une jauge des deux salles de diffusion limitant l’amortissement des spectacles,
obligation d’un certain nombre de créations et de leur diffusion à l’international,
obligation de gérer une médiathèque, des résidences d’artistes
avoir une politique tarifaire la plus accessible possible, etc.

Le projet d’offrir à Paris un lieu culturel dévolu à la culture numérique, comme le ZKN
en RFA par exemple, est génial, je ne le nie pas du tout. Mais cela ne semble pas être
une simple affaire quand on souhaite le créer dans un bâtiment historique ravagé,
dont la démolition eût été peut être la meilleure solution.
Pire : la Gaïté n’est pas une SMAC (Salle de Musique Actuelle = un label comprenant
diffusion, création, formation, professionnalisation dans le champ des musiques actuelles),
mais une structure hybride art contemporain / musiques actuelles, un mouton à cinq
pattes dans l’univers culturel, comme l’ancien lieu de loisir dévolu à l’Inspecteur
Gadget…

Bref, alors que la Ville de Paris n’offre pas SMAC, alors que de nombreuses capitales
régionales et cantonales en disposent depuis longtemps. Comment croire à l’engagement
de politique culturelle d’une mandature qui préfère encore le classique
aux musiques populaires, et la pierre à une action culturelle plus pragmatique ?

Aujourd’hui, l’architecte a été élu, c’est Jean Nouvel qui construira un bâtiment aux
allures probables de monolithe, mais MAGNIFIQUE. Le parc de la Villette se voit amputé
de quelques arbres et d’un parking. C’est pas grave diront les amateurs.

Radio France rappelle sur les ondes de France Inter l’ouverture de son auditorium
en 2011 qui sera situé à la Maison de la Radio et qui pourra accueillir 1400 personnes.
2400 + 1400 = 2800 nouvelles places dans l’offre parisienne en 2011…

Télérama est un magazine très attentif à la politique culturelle (normal, c’est le support
préféré des annonces d’emploi dans ce secteur). Il a consacré deux pages au printemps
sur la polémique causée dans le milieu professionnel du classique à Paris sur la question.

Les avis des professionnels sont unanimes : comment concilier un manque de public avec
une augmentation des cachets dus à une plus grande concurrence ?

La Philharmonie de Paris fait déjà grincer des dents des années avant son ouverture.

Mais révisez donc votre Loi de Baumol : ce ne sont pas le public qui va compenser, mais
les subventionneurs avec les fonds publics. Et donc nos impôts. Tout cet argent sera
englouti dans des frais de structure délirants, dans des cachets de divas internationales et
d’ensembles philharmoniques prestigieux. Est ce que ça va dans le bon sens ? L’exemple
des Folles Journées de Nantes n’auraient pas du être retenu ? Encore une fois, le Maire de
Paris tombe dans un pompidolisme décalé.

Espérons qu’il y aura des gens pour remplir ces beaux équipements de démocratisation culturelle,
qui risquent de voir plus de visons que des casquettes Kangol ou H&M.