Carl Craig et le minimalisme américain

Carl Craig, qui s’impose au fil des années, comme le plus digne des artistes de Detroit, se voit au top de la culture la plus sérieuse et institutionnelle par la réussite du projet VERSUS : créer un concert orchestral avec un artiste électronique.

La recette est peut être éculée. Ce fut René Koering, le directeur artistique du festival de Radio France à Montpellier et des orchestres de Radio France, qui a lancé le concept, repris des expériences d’art total des années 70 (cf. Karlheinz Stockhausen avec Helikopter par exemple), de la collaboration entre un interprète techno et un orchestre symphonique, l’Orchestre National de Montpellier. « Hier, aujourd’hui et demain », une création qu’il s’est commandé à lui même (sic) a essuyé les plâtres. Manu le Malin et Torgüll ont eu à peine une répétition pour la première représentation en 2000 au Quorum, l’énorme auditorium de Montpellier. La deuxième, qui s’est tenue au Châtelet en 2006, était d’une bien meilleure tenue. Autre expérience fort intéressante : Blue Potential de Jeff Mills avec l’Orchestre National de Montpellier (toujours lui !). Le concert, donné l’été 2006 au pied du Pont du Gard, dans le cadre du festival de Radio France de Montpellier, a été une expérience de qualité, qui a permis de découvrir Thomas Roussel, qui a été arrangeur sur le projet et qui est devenu la moitié de Somethingalamode.

La démarche de Versus, qui est une idée originale d’Alexandre Cazac (Warp Records France, In Fine) en collaboration avec François-Xavier Roth, le chef d’orchestre des Siècles, et d’Agoria (l’autre moitié du label In Fine), se matérialise enfin avec un concert mélangeant les oeuvres anciennes du minimalisme américain, que Daniel Caux a beaucoup promu en France, et six œuvres nouvelles de Carl Craig. Steve Reich a fait un pied de nez involontaire à la techno avec un passage mémorable oû la phrase « take no » est répété plusieurs fois. Quant à Bruno Mantovani, je n’ai pas grand chose à dire, désolé…

Le plus important dans ce concert reste la création des six pièces originales que Carl Craig a réalisées en compagnie des Siècles, orchestre en résidence à Nanterre et composé essentiellement de jeunes diplômés du CNSMDP alias le Conservatoire Nationale Supérieur de Musique de Paris, le panthéon des conservatoires en France, de Francesco Tristano Schlimé et de Moritz von Oswald, plus connu sous le pseudo de Maurizio.

C’est donc un moment exceptionnel qui n’est pas à rater. Carl Craig est un musicien d’une grande intelligence, autant capable d’une techno house club efficace (Paperclip People), d’un jazz moderne (Detroit Experiment) et d’une électronica exigeante et musicale (« More songs about food and revolutionary art » sous le pseudo d’Innerzone Orchestra). Sans nul doute, l’alchimie de tant de personnalités de qualité ne va que faire péter les frontières des genres tout en respectant la musique, cet accord chromatique qui touche autant l’âme que l’esprit.

SAMEDI 18 OCtOBRE – 21h

Versus : Carl Craig/Les Siècles

Steve Reich « City Life », Bruno Mantovani « Streets », Carl Craig « Technology », « At Les », « Dominas », « Sandstorms », « Darkness », « Desire »

Avec : Carl Craig, machines, compositions, Les Siècles, François-Xavier Roth, direction, Francesco Tristano, piano, arrangements, et invité spécial Moritz von Oswald, machines, percussions.

Cité de la Musique