Ce n’est pas la fête pour les artistes

La pandémie durant, l’économie de tout à chacun est mise à mal. La Culture paie le prix fort : elle est la première à avoir cessé ses activités et elle risque fort d’être la dernière à pouvoir redémarrer. Les DJs sont les emblématiques hérauts des fêtes contemporaines, ils sont dans une totale expectative comme en témoigne cet article de Trax sur Electronic Music Factory. Tous les DJs et artistes faisant de la scène sont à l’arrêt. Cette crise met en lumière la précarité consubstantielle de cette scène liée à l’éphémère.

Pour tous les acteurs de la Fête, et même pour les free parties, comment réunir du public sans masque, sans test et sans système d’identification des éventuels problèmes ? La distanciation sociale requise annihile toute réunion de personnes de fait. La jauge va être réduite, seuls les grands lieux et grands événements pourront recevoir du public. Comment avoir 1 m autour de chaque client dans les petits bars ? Quid des prescriptions sanitaires dans les cruisings, saunas, salles de sport ? Comment peut on imaginer la reprise d’activité sans prescription claire ?

Chaque épidémie a changé la société selon quelques éminents historiens. Il y a eu un avant et un après, ainsi le servage a disparu de l’Europe avec la peste noire de 1348, les propriétaires terriens ont du payer la main d’œuvre vu que 50% de la population était morte… Écouter la passionnante Frédérique Audouin-Rouzeau sur France Culture.

Il n’y a pas de modèle possible sans la résolution des questions sanitaires, sauf à généraliser l’utilisation d’outils identifiant les individus sains, porteurs asymptomatiques, malades, guéris. Et encore, une 2e vague semble pointer son nez en République Populaire de Chine… L’attirail de tracking technologique est violemment contesté par les défenseurs des libertés individuelles. Le procédé Chinois n’est pas encore concevable en Europe (même si l’Espagne l’a autorisé…), même si les opérateurs téléphoniques s’y mettent allègrement (comme la solution Flow d’Orange que l’opérateur essaie de relancer).

Et les artistes dans tout ça ?

Il y a artiste et artiste, ceux des secteurs subventionnés, protégés par des conventions collectives, ceux du secteur privé, théoriquement protégé. Et il y a le secteur des DJs, qui est aussi complexe que celui des plasticiens… Certains DJs sont free lance, d’autres intermittents du spectacle (rappel de la Loi : un artiste doit être salarié quand il joue devant un public) et d’autres encore n’ont aucun statut, par choix, par renoncement, par désillusion et par précarité aussi… Ce phénomène est encouragé par une frange notable d’organisateurs ayant fait le choix d’une clandestinité plus ou moins commerciale.

La vie d’artiste est une vraie galère, la Sacem a créé un fond d’aide pour les sociétaires, mais cela suppose que le DJ soit inscrit à la SACEM, ce qui n’est pas le cas de tous les DJs. Un DJ est avant tout un interprète, un artisan du « son » comme aime le présenter l’éminent Jean-Yves Leloup (commissaire d’expo, critique musique et cinéma, DJ, artiste…) avec raison.

« Beaucoup de clubs pourraient fermer, et sans eux, les DJs n’existent plus »

Rag, DJ et organisatrice (Wet For Me).

C’est le moment de traiter du modèle économique des DJs

Celles et ceux qui en vivent ont la plupart du temps multiplié les initiatives, c’est une forme d’exploitation verticale autour de leur talent, leur public et leur communauté (le modèle de Tryo est épatant à plusieurs titres). Il y a des DJs auteur, compositeur, interprète, producteur phonographique, éditeur et parfois même tourneur s’ils sont inscrits au RC, vu qu’il faut une licence d’entrepreneur de spectacle pour vendre la prestation d’un artiste sur scène, même la sienne en théorie… D’autres font le choix de mêler carrière de DJ et d’organisateur de soirée, ceux là sont souvent en société. Et d’autres encore préfèrent rester que dans l’artistique en cumulant création musicale, illustration sonore (pub, cinéma, TV…) et prestations sur scène. Une minorité encore enchaîne les projets musicaux, les collaborations pour jouer dans plusieurs esthétiques musicales. Il n’y a pas de solution véritable. Nous n’avons pas de chiffres sur l’activité artistique dans le secteur électro, et encore moins dans le hip hop, où les disparités sont également énormes… Les musiques urbaines et électroniques constituant le gros des musiques actuelles désormais, il est regrettable l’absence d’étude approfondie sur ces écosystèmes alors que le secteur subventionné est scruté en permanence au microscope d’institutions produisant un méta discours stérile. Un rapide panorama des statistiques CNV / CNM (2017…) montrent que :

  • les musiques électros et urbaines ont un taux de progression important
  • le CA généré reste faible face à la chanson, le rock/pop et l’humour
  • manquent à l’assiette de calcul : les clubs, les bars, la part de l’offre électro/urbaine dans l’offre des festivals

Pour se donner encore un peu de motivation, regardons les chiffres exports 2019 par genres musicaux en terme de dates à l’international !

Source : Bureau Export

Le temps est venu de mener un vrai travail d’étude sur les artistes.

Graphique d’après un questionnaire
165 réponses

Cette étude a été lancée par Technopol en 2010, sur 65 réponses a la question du statut, 19 utilisent une association et 10 sont salaries du régime général.

Ce questionnaire mérite d’être travaillé par des pros avec la méthode requise. Avis aux amateurs.

« Mais la nuit finit toujours par trouver des lieux pour créer de nouveaux espaces, les fêtes peuvent aussi se faire dans des appartements, dans des lieux inattendus. ».

Hervé Latapie, directeur de l’emblématique Tango (Paris III).

Le formulaire 2020 a été revu et corrigé avec AMS Booking et Technopol