Le Magasin : rencontre avec Armand Torossian

Le Magasin : rencontre avec Armand Torossian, commissaire priseur à Grenoble, ex membre du conseil d’administration du CNAC (1999/2015).

Le centre national d’art contemporain (CNAC) Le Magasin vit une crise profonde depuis 2013 avec un conflit entre sa nouvelle présidente nommée sur proposition de l’Etat en 2013 et son directeur depuis 20 ans, Yves Aupetitallot. Afin de faire face au manque d’information sur le bilan financier de l’établissement, les déclarations de son ancien trésorier sont une opportunité pour éclairer les esprits dans la malheureuse lutte que les tutelles laissent s’envenimer sous les regards désabusés des amateurs d’art. D’ordinaire, un cabinet ministériel agit de concert avec les autres tutelles. Force est de constater que la disparition d’une telle institution ne fait réagir personne, voire arrangerait certains, comme la Ville de Grenoble qui répartit différemment son budget culture depuis l’élection d’un nouvel exécutif aux dernières élections municipales (cf. fin du soutien aux Musiciens du Louvre en 2014).

Pouvez vous vous présenter en quelques mots vos liens avec le CNAC Le Magasin ?

Je suis commissaire priseur à Grenoble depuis 1991 et en 1996 j’ai installé mon étude dans un bâtiment qui est mitoyen du Magasin. Je suis membre du conseil d’administration du Magasin depuis 1999, secrétaire adjoint depuis 2001 et trésorier depuis 2008 jusqu’a mon éviction en juin 2015.

Est-ce que cette mission vous offrait des avantages ?

Si vous évoquez des avantages financiers ou matériels, la réponse est aucune. J’étais bénévole et surtout passionné par la programmation que proposait le Magasin. J’ajoute que j’ai été désigné trésorier à la suite de la disparition de mon ami le collectionneur Edouard Barbe.

D’ordinaire, ce sont les adhérents d’une association qui élisent les membres de l’organise de direction (bureau ou conseil d’administration en fonction des statuts) ?

Du temps de la présidence Janicot, les fonctions au sein du CA se répartissaient de façon naturelle, personne n’ayant l’intention de prendre la place d’un petit camarade.

Quel a été le motif d’éviction du conseil d’administration ?

Mon éviction a été douloureuse, à la fois sur le fond et sur la forme. Sur le fond, on m’a reproché d’être de ceux qui ont marqué leur désaccord avec ce que je considérais être une dérive de la nouvelle présidence vers une fonction exécutive. On m’a aussi reproché, de façon violente, d’avoir évoqué un possible conflit d’intérêts au sein du CA. Par chance toutefois, ma gestion en qualité de trésorier n’a pas été remise en cause… Sur la forme, j’ai du défendre mes positions sur le terrain judiciaire.

À croire l’actuelle présidente du CNAC, le bilan d’exploitation serait effroyable, quel est il en fait ?

Le Magasin a toujours fonctionné avec un budget limité. La faiblesse de sa dotation budgétaire initiale a déjà été dénoncée en 2001 dans un rapport d’inspection du Ministère de la Culture, qui déclare que « sur un certain nombre de chapitres, le MAGASIN doit abaisser, de façon inacceptable pour le premier centre d’art français, le niveau de ses prestations. ». Cette faiblesse a été amplifiée par la non indexation de ses subventions puis par la diminution de moitié de la subvention du conseil général de l’Isère. Malgré tout, pendant toutes ces années, le CNAC a fonctionné sur le plan financier de manière optimale et dans le cadre budgétaire qui lui était imparti. Le président de l’époque, M Daniel Janicot, le directeur et moi même (quand j’ai été trésorier) avons prêté la plus grande attention au respect des équilibres financiers. Le directeur en outre étant sur ce terrain proactif pour trouver des partenariats, qui ont a chaque fois apporté les financements complémentaires nécessaires. Exemple : une dotation de 30 000 euros de la Fondation Luma pour JaponCongo ou la vente pour près de cent mille euros de multiples offerts par des artistes de renommée internationale. La situation est devenu délicate (pour ne pas dire plus) depuis ces toutes dernières années et l’arrivée d’une nouvelle présidente.

Pouvez vous me dire si le directeur mis en cause a l’habitude de persécuter les salariés ?

Au cours de toutes mes années au Magasin, je vous assure qu’affirmer une telle chose est une contre vérité. Si cela avait été le cas, comment expliquer le fonctionnement sans faille du Magasin pendant cette période ? Sur ce terrain, vous noterez que ce reproche a continué à être formulé alors que le directeur était en arrêt maladie depuis le 14 octobre 2014 pour « burn out », dont les causes et la pathologie ne laissent aucun doute quant à la pression et le harcèlement dont il a fait l’objet. Dans le passé, les motifs d’inquiétude des salariés ont été de deux ordres, la fragilité des équilibres financiers et le désengagement annoncé de certaines tutelles et aussi un période de lourds travaux de réfection de la verrière du bâtiment. Il y a eu certainement aussi des différences de point de vue avec tel ou tel collaborateur ce qui correspond au fonctionnement normal de toute entreprise.

Par contre, il est a noter que les conseils d’administration qui se sont tenus pendant l’arrêt maladie du directeur et donc en son absence commençaient régulièrement, à l’invitation de la présidente, par des prises de parole des délégués du personnel qui étaient des charges violentes contre le directeur. Mon sentiment est que la nouvelle présidente à instrumenté les salariés pour affaiblir le directeur.

Un plan de développement économique proposé par un Nova Consulting a été écarté, pouvez vous nous en dire plus et nous présenter ce qui a été préféré à sa place ?

Ce plan a été élaboré avec l’objectif de garantir les financements nécessaires au Magasin. Le travail sur ce plan, conduit en parfait accord avec les tutelles, a été très enthousiasmant. La critique systématique de ce plan et son abandon restent pour moi incompréhensibles. Plusieurs pistes étaient envisagées, de l’augmentation de la billetterie, d’aménagements pour que la librairie puisse fonctionner de manière autonome, de développer les démarches de mécénat et de partenariat avec des entreprises d’importance de la région, le tout en cohérence avec les autres acteurs culturels du site ou est installé le Magasin.

Propos recueillis par Christophe Vix-Gras *

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04/11 : Vous pouvez manifester votre soutien au directeur du CNAC, Yves Aupetitallot, par mail: soutien.yaupetitallot@gmail.com

Une pétition pour l’École du Magasin, projet pédagogique intégré au CNAC, a été lancée par des étudiant-e-s et anciennes étudiant-e-s

 

* Pourquoi cette interview ? Ayant collaboré fin 2005 sur l’organisation d’un séminaire DCA dans le cadre d’une délégation donnée par la DAP au CNAC, j’ai pu, pendant quelques mois, découvrir sur place le travail du Centre et côtoyé quotidiennement son directeur, que j’ai pu assisté également sur l’organisation de la ré-ouverture du Centre après restauration.