Le before de la honte

En rangeant mon ordinateur, je suis tombé sur cet article d’Henri Maurel. Il était toujours difficile de le pousser à écrire, alors que sa formation d’historien et de fonctionnaire le prédisposaient tout naturellement. Il suffisait d’embrasser du regard sa bibliothèque pour comprendre qu’il avait quelques « lettres ». Ce billet est un coup de gueule rédigé en 2008.

Le before de la honte.

La lumière, d’ordinaire, éclaire l’humanité. Celle de la flamme des prochains JO illumine, de façon éclatante par son piteux parcours, les méthodes de la dictature de Pékin.

Ceux qui rêvent de Chine vont déchanter, à l’instar d’un Tibet asservi par l’Empire du Milieu. La brutalité et la propagande sont en effet les dernières conquêtes à l’export du « made in China ». Après les T-shirts, les jouets, les PC et autres biens en tout genre, le régime de Pékin exporte sans vergogne sa dictature du mensonge, de la manipulation médiatique et ses méthodes policières. Voir ces jeunes nervis en survêtements bleus, lunettes noires et oreillettes vissées sur le crâne en réseau HF rivé sur la fréquence de leur ambassade clouer le bec à nos athlètes porteurs de la flamme olympique, pauvre David Douillet, était proprement révoltant. Cela ne doit nous laisser aucune illusion. La prochaine fête (?) mondiale du sport se déroule déjà dans l’ombre de la police et de l’armée chinoises. C’est la nature même de cette dernière grande dictature communiste, cadenassée par un parti unique, que de faire des JO de 2008 la grande affaire de sa propagande nationale et internationale. Exactement comme le régime nazi d’Hitler et de Goebbels, le grand maître es propagande, qui, en 1936, inventèrent ce « before » des JO avec le parcours de la flamme olympique.

Les officiels du CIO, qui « chouinent » aujourd’hui en ordre dispersé, réalisent enfin ce qui attend leur grand évènement business planétaire. Cela leur a pris du temps et le temps presse, le gouvernement chinois réprime, tabasse et emprisonne à tout va… Cette grande Chine du XXIème siècle attend des JO de Pékin une reconnaissance éclatante de son statut de grande nation moderne. Ce qui implique de poser la question, elle aussi moderne, des Droits de l’Homme. Mais qui est-elle vraiment ? Je fus longuement en Chine pour l’Année de la France en Chine en 2004. Et qu’y vis-je ? La presse sous contrôle, Internet fliqué jusque dans les moindres chambres d’hôtels, les écrans de télés brouillés pendant les JT étrangers qui abordent les actus chinoises, l’Armée Populaire en faction à l’accueil de tous les sièges des média, radios et télés privées comprises, la propagande télévisée à l’eau de rose à longueur de journée. Et même une inénarrable chaîne de télé de l’armée Rouge avec des animateurs et des présentateurs (journalistes ?) en uniforme kaki ! J’y vis aussi des usines pensionnats où les très jeunes filles de la campagne sont parquées jusqu’à la fin de leur contrat, des condamnations à mort pour vols et autres exécutions publiques comme s’il en pleuvait, une nouvelle classe moyenne urbaine à la frénésie consommatrice qui côtoie la misère et la promiscuité d’improbables arrière-cours, une spéculation immobilière galopante, des nouveaux riches arrogants, un patrimoine urbain saccagé, l’affairisme sans retenue des cadres du régime dans leurs limousines de luxe, militaires en tête, le tout dans une pollution étouffante.

C’est aussi cela le miracle chinois. Celles et ceux qui ont déjà pris leur billet pour Pékin jugeront aisément sur place. Alors la flamme des JO risquerait-t-elle d’allumer celle de la liberté qu’on ne pouvait déjà rêver à de meilleure entrée en matière : encadrée, cadenassée, manipulée, éteinte et rallumée en fonction des besoins de la propagande officielle, le spectacle pathétique du parcours de la flamme ruine l’image de cette grande nation, à la culture immense. Les JO de Pékin ont vraiment mal commencé. À moins que par un sursaut de lucidité et d’opportunisme bien compris, comme ce fut déjà le cas dans l’histoire, la force de l’idéal du sport ne lézarde enfin l’arrogante muraille de son pays hôte.

Soutenons les athlètes, mais n’ayons aucune illusion, il faut maintenir la pression de l’opinion pour peser sur les gouvernants Chinois et aider les courageux Tibétains à obtenir enfin justice !

Ce dernier week-end, mes pas ont d’abord croisé Patti Smith : toute une génération de poètes, de Rimbaud à Whithman, de souvenirs, de guitares, une voix rauque envoûtante, des graffitis au sous-sol de la Fondation Cartier pour une immersion en noir et blanc dans l’univers de sa poésie et de sa liberté. Puis Kill the Vinyl ! dans les locaux de Technopol, quand les pochettes de vinyles signent la résistance créatrice et la vitalité des diffuseurs indépendants. Une escapade au 34 rue Keller pour le trait franc et sensuel de Xavier Gicquel qui rend hommage à Tom of Finland, icône des illustrateurs gay des années 80 que s’arrachent aujourd’hui les musées d’art contemporain. Il y avait aussi Art Paris avec les photos d’Alger vu par Kader Attia et la première de Tapio-ka au Social Club. Sans tabac (un vrai bonheur), sans nostalgie, avec les amis pour ouvrir une nouvelle page d’un clubbing créatif et arty. Sans oublier la Green Party organisée par Nadège et Marco au bénéfice du WWF à la galerie LHK, tous en petits pandas chinois pour y croiser Yvette, artiste « émergente », dans les toilettes : Dame Pipi présentait ses pics du Pulp, une « archéologie du présent » avec Sex Toy et sa hype. Du chaud malgré ce froid épouvantable qui ont fripé les jeunes feuilles d’érable de ma terrasse.

Au fait, j’ai reçu un avis d’exclusion officiel du PS, suite à ma candidature sur une liste d’ouverture aux municipales dans le 12ème… Alors que je n’étais plus adhérent depuis un an, et dès lors libre de tout engagement personnel. Donc sans aucune attache partisane à ce jour. Comme quoi, il n’y a pas qu’en Chine que l’on a la manie du bâton…

À bon entendeur, restons libres !